L’Alsace de Pascklin

C’est sans complexe que Pascklin porte l’Alsace à fleur de peau, celle d’hier qu’il fait remonter à la surface, avec ses coiffes et ses gilets rouges, ses personnages quasi légendaires, ses « winstubs » et son ambiance irremplaçable dont beaucoup portent encore en eux le goût et la nostalgie. Les personnages pour authentiques qu’ils soient, n’ont d’ailleurs pas de visages ou, tout au plus quelques esquisses de figures. Ils sont intemporels de la sorte et l’artiste nous laisse le soin de les faire revivre tels que nous avons pu les connaître. Ce qui compte ce sont les gestes et les attitudes, l’ambiance surtout dans laquelle, comme par magie, ils continuent à vivre.
La beauté des couleurs, la pureté des noirs et des blancs,renouvellent cette magie d’un tableau à l’autre, tout en mettant l’accent tantôt sur l’humour, tantôt sur la tendresse et le plus souvent sur la simple joie de vivre. Aussi bien s’agit-il non d’un replis identitaire, mais plutôt d’une explosion offerte à tous, pour la fraternité et le partage. Pascklin a eu le courage de nous rappeler ce besoin et cette nécessité. En se faisant plaisir à lui-même. Un plaisir à partager.

Jean Christian – Affiches Moniteur

Nos racines inaltérables

Chez Pascklin, il y a un vrai souci de liberté, une version plurielle de la joie de peindre. Sur ses toiles et notamment ses  » alsatiques « , c’est en sourire et en couleurs que naissent les bonheurs. Coloriste à fleur de rêves, c’est par le jeu mosaïque de ses motifs, qu’il explore des contrées teintées de nostalgie et d’humour. Ses sujets, très graphiques, il les traite essentiellement à l’huile.Il parvient à transmettre dans ses peintures, grâce à une technique qui lui est très personnelle, des atmosphères chargées d’impressions fugaces d’un passé qui appartient à chacun de nous.
La finesse de ses couleurs, il l’obtient en  » fabriquant  » lui-même ses peintures à l’huile. Les mélanges qu’il réalise sont directement issus de pigments naturels qu’il amalgame par un procédé de son invention. La délicatesse et les textures qu’il obtient ainsi, transcendent les tableaux, et transportent leur sujet dans un univers chaleureux et convivial. Les peintures alsatiques de Pascklin, nous projettent à une date improbable dans un passé oublié, ressuscitant en nous des impressions et des sentiments enfouis. Il construit ses tableaux en organisant et en rythmant l’espace par la qualité de ses blancs et la profondeur de ses noirs. Cette vitalité irradie de sa peinture et invite celui qui les observe à se joindre aux folles tablées, trinquer jusqu’à plus soif à la santé de ces convives de traits et de couleurs.
L’Alsace, tout au long de son histoire, a subit les aléas et les agressions du temps. Les drames et les bonheurs ont tissé sa mémoire. C’est en blanc et en noir qu’elle se rappelle de tout cela, et que bien souvent, elle tenta de l’oublier un verre à la main. Pascklin nous invite par ses tableaux à parcourir les arcanes de ces sentiments effacés. Il nous permet par sa vision toute en tendresse, de redécouvrir ce qui au plus profond de nous constitue nos racines inaltérables.

Il y a certes des précédents,
des prédécesseurs devrait-on dire. Illustres illustrateurs. Que l’on reconnaît et loue, dès la première assiette. Que l’on voit et revoit, en si grand nombre. Affichistes et dessinateurs prolifiques, au coup de crayon assuré, sitôt mis, sitôt exact. On croyait le sujet rabâché. Galvaudé. Kitschisé à l’extrême. Et pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, il y avait un espace délaissé. Un non-dit. Une zone d’expression originale, où Pascklin a su tracer d’un coup de crayon déterminé son itinéraire, simple et évident. Son Alsace Parcimonie du trait. Justesse des nuances. Palette restreinte. Ces économies de moyens, enrichissent étonnamment sa peinture, lui conférant une atmosphère particulière. Il nous raconte son Alsace, celle que chacun porte dans son cœur, cette Alsace intemporelle et conviviale où plongent nos racines immarcescibles. Il nous transporte à une date improbable dans un passé sans chronologie, dont il joue, et se joue. Décrire en si peu de lignes, ce qui anima dans son atelier tant de toiles vierges pendant les trente dernières années, tient du raccourci. Car la peinture de Pascklin est comme un verre que l’on vide, juste le temps d’y faire de la place pour le remplir. Prolifique et généreux dans son ouvrage, l’artiste renouvelle sans cesse son sujet. Loin d’être embarqué dans une thématique limitée et sempiternelle, il a su au fil des ans marquer le paysage alsatique de sa présence. Sa technique éprouvée et personnelle, met en œuvre des couleurs d’une grande finesse. Pour cela il utilise des pigments naturels, qu’il mélange à une préparation de sa composition, et qui lui permettent de restituer des atmosphères très intimistes. La convivialité a maintenant une couleur. Oeuvrant essentiellement à l’huile, il a su au fil des ans mettre au point les recettes indispensables pour obtenir les textures souhaitées. La douceur et la finesse de ses aplats déroutent bien souvent, et laissent penser que la réalisation a été faite à l’aide de quelques essences rares de bois de marqueterie. Au-delà du motif, Pascklin s’est toujours attaché à capter la lumière, cherchant à ce qu’elle habite sa peinture. Le blanc immaculé et la profondeur des noirs rythment le motif. Ce jeu binaire des couleurs articule le sujet, libère une énergie, une vitalité nouvelle, qui irradie de ses toiles. Très graphique il esquisse avec fraîcheur et humour, les histoires de sa petite Alsacienne habillée de bleu. Revendiquée par aucune communauté de la Coiffe, son personnage fétiche, tout comme l’ensemble de ses partenaires de croquis, n’a pas de visage, laissant libre champ à l’imagination. Ce n’est jamais par la grimace que leurs sentiments transparaissent mais par l’attitude et la mimique. Perchée sur la plateforme de sa cathédrale, d’où elle profite d’une vue imprenable,  la petite Alsacienne analyse nos comportements, et bien souvent  ce sont nos travers qui alimentent son quotidien. Le trait de l’artiste est reconnaissable parmi tous. Simple, direct et dynamique, sans aucun détail superflu, il croque des scènes typiques et joyeuses. Son style est aussi sincère et droit que peut l’être l’Alsacien ;  digne et respectueux. Mais, bien au-delà de la technique, la peinture de Pascklin c’est avant tout un petit monde bouillonnant de coiffes noires et de manches blanches, qui s’époumone au rythme d’un trio de musiciens improvisé. Ce sont des robes qui virevoltent, des chaussures qui claquent, des verres qui tintent. C’est l’appel au festin, auquel chacun de nous s’invite; pour être ce convive, celui pour qui le dernier couvert était gardé. L’Alsace, est une communauté riche de ses qualités et de ses défauts, riche de ses multiplicités et de ses différences, c’est une aventure humaine à la croisée de tous les chemins, ce sont des drames et des bonheurs. L’artiste nous invite à nous y immerger, à explorer les sentiers dérobés de ces sentiments effacés. A revivre au hasard de ces tablées bruyantes tout ce qui a tissé notre mémoire, a ressentir à fleur de peau ces atmosphères chargées d’impressions fugaces. Celui qui se laisse aller à la contemplation n’aura de cesse d’essayer de pénétrer cette gent, il s’y verra trinquer ou danser, il revivra ces stammtish tribaux, véritables transes du ventre, inépuisables sources de joie.